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2005 Paray-le-Monial, Colloque de Bioéthique:

le 11/11/2005
11 novembre: 71600 "La place du corps dans la pratique médicale", par le Dr Solange Grosbuis, Présidente du CCMF

LA PLACE DU CORPS DANS LA PRATIQUE MÉDICALE
Dr Solange Grosbuis

Conférence faite le 11 novembre 2005 à Paray-le-Monial
au Colloque de Bioéthique: "Le corps humain: quelle valeur?"
Je suis médecin à la retraite, pédiatre et réanimatrice médicale d'enfants et d'adultes, formée à la réflexion éthique, catholique et donc, croyant en l'Incarnation et en la Résurrection du Christ. Il m'a été demandé, et j'en remercie ceux qui l'ont fait, de vous transmettre mon expérience et mes réflexions sur la place du corps dans la pratique médicale.
Vaste sujet s'il en fût ! Car cette place est considérable. Le corps est, si je peux dire, "au c?ur" de la médecine. Qui plus est il ne faut jamais, dans la pratique médicale, séparer le corps du psychisme afin de toujours aborder l'humain dans sa totalité, de ne jamais transformer cet humain en objet.

Il est difficile de dissocier la notion de corps vivant (j'aurai aussi l'occasion de parler du corps après la mort) de celles d'être, de vie, de personne humaine. Je ne suis ni théologienne, ni philosophe, ni juriste, et d'autres développeront sans doute ces sujets mieux que moi. Je laisse cependant, avec humour, un enfant répondre à la question qui faisait le titre des Journées d'Ethique Maurice Rapin en 1995: «Le corps: à qui appartient-il?». Je faisais un examen systématique complet à cet enfant de deux ans et demi; il était couché, bien sage, à plat dos sur la table d'examen et je me tenais à sa gauche. Lorsque j'ai examiné son prépuce pour vérifier l'absence d'adhérences, l'enfant a tourné la tête vers moi et m'a dit avec un air très sérieux: «il est à moi».

Ce corps qui nous appartient (et qui est don de Dieu) doit être respecté. Lorsque des soignants sont auprès d'un patient conscient, il est contraire au respect de le laisser hors de la conversation entre les soignants, comme s'il n'était pas un sujet à part entière. Il faut aussi respecter la pudeur de ce patient (pudeur qu'illustrent Adam et Eve après la faute en ayant honte d'être nus).

Mon plan sera le suivant:
- le médecin et son corps;
- les droits et devoirs du médecin;
- la pratique médicale et le corps bien portant;
- la pratique médicale et le corps malade ou handicapé;
- la pratique médicale et le corps après la mort.

Le médecin et son corps
En préambule et pour employer une locution familière je dirais que, pour bien exercer la médecine, il faut "être bien dans sa peau", ce qui passe par le respect de son propre corps. Ce corps ne doit pas être idolâtré mais il doit être l'objet d'une hygiène de vie et cette hygiène comporte aussi la recherche d'un équilibre psychique et spirituel. Nous devons, nous aussi, nous respecter et nous aimer.

La communication avec les patients se fait par tous les sens et tout particulièrement par la vue, l'audition, le toucher. Ceci est la base de l'examen clinique. L'interrogatoire fait appel à l'audition; l'inspection à la vue; l'auscultation à nouveau au toucher, et c'est par les sens que nous pouvons parvenir à un diagnostic ou au moins à une ou des hypothèses.

Lorsque j'accueillais des externes ou des internes en début de stage j'avais pour habitude de leur dire: la clinique avant tout. En effet, à l'heure actuelle, elle tend à prendre du recul par rapport à ce que l'on appelle «les examens complémentaires», c'est à dire les examens de sang et l'imagerie (radios, échographies, scanners, IRM... etc). Le Pr Didier Sicard, président du Comité Consultatif National d'Ethique, a d'ailleurs publié en 2002 un ouvrage intitulé "La médecine sans le corps. Une nouvelle réflexion éthique". J'en cite un extrait: «il est étrange que, dans un siècle en apparence aussi matérialiste, aussi centré sur le corps comme seule source et référence à la jouissance, ce corps devienne en même temps de plus en plus virtuel. Virtualité dont témoigne, sur le plan de la médecine , l'irruption bientôt exclusive des images et des chiffres: ce qui surgit alors, ce n'est plus le corps dans son dépouillement ou sa misère, ce sont des chiffres et des images numérisées. Ainsi les échographies, les scanners, les endoscopies, les scintigraphies, les dopplers ont-ils confisqué la relation soignante à leur profit.».

Or, la relation d'écoute doit rester fondamentale même si palpation et auscultation s'effacent un peu, et c'est regrettable, derrière des techniques plus précises. Dans les hôpitaux, surtout, l'on a que trop tendance à réserver aux médecins un rôle de techniciens et au personnel paramédical celui de la relation et de la communication. En pratique de ville les médecins peuvent être beaucoup plus proches des malades. De toutes façons c'est l'examen clinique qui doit guider la prescription d'examens complémentaires! Sinon on se dirige vers une médecine inhumaine, désincarnée et, de plus, trop coûteuse, car un bon examen clinique peut éviter un abus d'examens de sang et d'imagerie.

Après ce plaidoyer pour l'examen clinique , pour ce "corps à corps", je voudrais revenir, par une anecdote, sur l'importance pour le patient du bon équilibre du médecin et de la relation par les sens. Un jour en consultation, j'examinais un nourrisson de six mois devant des étudiants et je leur expliquais l'importance de l'échange de regard comme moyen de communication avec un bébé qui ne parle pas; je regardais cet enfant dans les yeux tout en l'examinant; lui souriait, et tout se passait bien. A un moment donné j'ai pensé à une chose importante que j'avais oubliée et ma contrariété a dû faire changer mon regard... car le bébé s'est mis à pleurer.

L'expérience prouve aussi que lorsque l'on est tendu en consultation de pédiatrie, les enfants sont beaucoup plus difficiles et qu'ils sentent l'énervement des autres même si l'on croit le contrôler. Ceci est sans doute aussi valable pour les adultes.

Les droits et devoirs du médecin
Je pense qu'Agnès Delahaye nous en reparlera, mais je voudrais déjà signaler que la pratique médicale est très particulière, puisqu'elle constitue souvent une agression du corps d'autrui (interventions chirurgicales, vaccinations, poses de cathéters... etc) et qu'elle pourrait être assimilée aux "atteintes volontaires à l'intégrité de la personne" (traitées dans la première section du chapitre II du Nouveau Code de Procédure Pénale). En fait, pendant longtemps cette exception médicale était admise, mais dans un flou juridique. Depuis la loi de bioéthique de 1994 et surtout la loi du 4 mars 2002 "relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé", il est spécifié qu'il faut le consentement du patient (ou de son représentant), sauf en cas d'urgence: «Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment».

Il n'en reste pas moins que le fait de confier son propre corps à un praticien doit reposer sur une relation de confiance. Un patient donnera son accord, signera un papier, si une explication s'est faite dans la vérité, en s'adaptant aux demandes de l'autre et avec délicatesse. Si le médecin a des paroles brutales, s'il n'a pas été réceptif aux inquiétudes du malade, il n'y aura pas de consentement ou celui-ci sera purement administratif et générera l'angoisse du patient.

La pratique médicale et le corps bien portant
La pratique médicale se situe ici au niveau de la médecine préventive. Si le médecin doit lui-même respecter son corps il doit pouvoir apprendre ce respect aux autres. Je prendrai quelques exemples.
- La médecine du travail doit s'appliquer à prévenir les maladies professionnelles: étude de l'ergonomie pour prévenir les problèmes rachidiens, signalement des produits qui risquent d'être toxiques pour le personnel d'une entreprise... etc.
- Il faut mettre en garde, à titre individuel et collectif, contre les méfaits sur le corps de l'alcool, du tabac, des autres drogues.
- La lutte contre les maladies infectieuses et contagieuses passe par une rupture relative du secret professionnel dans la déclaration obligatoire de certaines d'entre elles. Elle passe aussi par les vaccinations (avec une certaine agression du corps), certaines obligatoires et d'autres recommandées, et par des conseils d'hygiène. Je ne peux ici éviter de parler du préservatif: si la meilleure prévention des maladies sexuellement transmissibles et, entre autres du SIDA, est la fidélité, la continence, et la confiance mutuelle, il est hélas des cas, en particulier en Afrique, mais aussi en Europe, où le moindre mal, pour préserver la Vie de ceux qui ne sont pas éduqués dans cet idéal, est le préservatif.

La pratique médicale et le corps malade ou handicapé
En préambule, pour l'abord de tout patient je dirai, avec Ginette Raimbault, psychanalyste (dans "L'enfant et sa maladie") que «des éléments d'information se communiquent de manière non verbale, comme on le constate lors des cures de tous petits, mais aussi de certains patients adultes qui expriment l'essentiel de ce qu'ils désirent communiquer par un discours non-dit c'est à dire par leurs diverses attitudes».

En étant loin d'être exhaustif on peut envisager un certain nombre de situations:

- Le patient de réanimation
Le corps est là, envahi par la technique et les proches sont impressionnés par les tuyaux et les écrans d'appareils électroniques (respirateur, moniteur cardiaque, mesure de la saturation du sang en oxygène,... etc ). La première fois, lors de mon internat, que j'ai pénétré dans un service de réanimation auprès d'un malade atteint d'un tétanos et qui venait de faire un arrêt cardiaque, j'ai d'abord vu beaucoup de blouses blanches autour de lui, de nombreux tuyaux qui convergeaient vers le centre du lit, un drap et, ensuite, un visage. Au fil de l'expérience j'ai pris l'habitude de d'abord voir un visage, c est à dire une partie du corps d'un être humain.

Tout particulièrement, en réanimation, il faut être attentif au fait que ce corps très malade n'est pas un objet mais appartient à un être humain et doit être respecté comme tel.

Lorsqu'un patient de réanimation est conscient mais incapable de parler à cause d'une intubation ou d'une trachéotomie la communication ne se fait plus par le dialogue parlé mais par le regard ou le toucher: à une question du soignant le malade peut répondre en fermant les yeux ou en serrant la main.

Chez un malade dans le coma chaque soignant se doit de lui parler comme s'il était conscient, dans l'éventualité où certaines phrases seraient entendues lors d'une phase de coma moins profond. Je me souviens d'une malade âgée qui avait eu une pneumopathie grave et qui avait été dans le coma du fait de son infection et d'une sédation médicamenteuse. Alors qu'elle était réveillée, je lui demandais si elle avait un souvenir des jours précédents; elle ne se souvenait de rien sauf d'une voix lui disant: «je suis médecin; je suis le docteur Grosbuis»...

? Le traitement de la douleur et de la souffrance
On peut distinguer la douleur, manifestation physique d'une partie ou de tout le corps malade ou blessé de la souffrance qui est un phénomène psychique. En fait une douleur tant soit peu importante se traduit toujours par une souffrance.

Les médias ont beaucoup parlé de la négligence de la médecine de nos pères vis à vis du traitement de la douleur chez l'adulte et encore plus chez le très jeune enfant. Certains ont pu penser, à un moment, que les... nouveaux nés ne souffraient pas! Je ne l'ai jamais cru personnellement, en les observant. Je cite ici l'introduction de l'ouvrage d'isabelle Baszanger "Douleur et Médecine, la fin d'un oubli": «lutter contre la douleur, ces mots tracent un impératif nouveau de la médecine occidentale, clair, pressant, long cependant à se transformer en actes. On le trouve nettement attesté par des programmes comme ceux de l'Organisation Mondiale de la Santé et, au niveau national, par les directives et recommandations variées issues des ministères de la santé de différents pays».

L'invention de la médecine de la douleur est récente et, lorsque j'étais externe ou interne en médecine, il était de règle de ne pas calmer immédiatement la douleur aiguë d'une colique néphrétique ou d'une péritonite afin de ne pas masquer des symptômes permettant le diagnostic.

On a d'abord pris en charge, par des antalgiques, les douleurs aiguës avant de s'occuper des douleurs chroniques. Le traitement des douleurs cancéreuses par la morphine a débuté en Angleterre à la clinique Saint Christopher à Londres. C'est plus tard que l'on s'est intéressé à la douleur chez l'enfant. C'est en 1957 que Pie XII précisait dans un texte sur les "problèmes religieux et moraux de l'analgésie" que l'on peut augmenter les doses de calmants, si cela est nécessaire dans la lutte contre la souffrance, au risque d'abréger les jours d'un patient dont la mort est proche.

Dans la pratique je voudrais redire que la douleur intense est toujours aussi souffrance et qu'elle envahit le psychisme de celui qu'elle atteint. Elle réclame un écoute attentive, tout en sachant que, même avec des échelles d'évaluation, nul ne peut juger de la douleur d'autrui, ou, plus exactement du ressenti de sa douleur. Cette douleur, bien sûr, il faut y répondre par une sédation médicamenteuse en tentant de rendre la paix au patient. Mais, faisons une remarque à propos des malades de réanimation: il est facile de faire un sédation importante puisque la dépression respiratoire provoquée par cette sédation, peut être palliée par une ventilation artificielle. Cependant un coma artificiel, s'il apporte le calme dans le service, coupe le patient de toutes relations humaines; dans la mesure du possible, si on peut laisser le malade conscient et seulement apaisé, c'est bien préférable. Quelqu'un m'a cité récemment une de mes remarques: «ce n'est pas parce qu'un malade bouge les orteils qu'il faut lui faire nécessairement de la morphine».

A l'inverse, il faut savoir penser à des douleurs intenses chez un enfant (surtout, mais parfois aussi chez l'adulte) qui ne dit plus un mot, est immobile et recroquevillé dans son lit. On pourrait imaginer une grande dépression alors que le besoin urgent est celui d'antalgiques.

Les médicaments ne sont pas le seul traitement de la douleur et l'on sait le rôle de la kinésithérapie pour lutter contres les rétractions musculaires des affections neurologiques ou des comas et l'effet apaisant des massages sur les contractures musculaires.

Citons, pour conclure ce survol de la question de la douleur, le père Xavier Thévenot dans "Souffrance - Bonheur - Ethique": «En tout cas quand on a vécu de telles expériences et qu'on a su les relire devant Dieu, on a, en général, un souci plus grand de ceux et celles qui souffrent. Quand je suis en bonne santé, j'imagine mal à quelle profondeur peut aller le désarroi de celui qui vit le séisme de la souffrance aiguë. Quand, au contraire, il m'est arrivé de subir un tel séisme, même s'il est devenu un peu irréel pour moi, je sais au moins que la personne qui souffre a droit à un infini respect. Je pressens que ce n'est pas le moment des grands discours, mais celui de la présence discrète qui prend acte du mystère d'un être humain en train de se battre avec l'absurde. Il est d'ailleurs très parlant pour un chrétien que dans les évangiles, un seul être nous est présenté comme réussissant à entrer en dialogue avec Jésus crucifié. Ce n'est ni le disciple aimé, ni même Marie, mais le bon larron qui est en train, lui aussi, d'agoniser sur une croix. Peut-être est-ce le signe que seuls les souffrants peuvent se comprendre mutuellement, comme à mi-mots?».

- Les handicapés moteurs
Le corps des handicapés moteurs est un corps qui ne répond plus aux normes du corps idéal et qui ne répond plus à certaines volontés de l'être qui est en lui (par exemple, marcher pour un paraplégique). Il est différent.

Mais il ne suffit pas de dire que les handicapés sont différents pour les aider à résoudre leurs problèmes. La dignité de la personne handicapée vient d'abord du regard que nous portons sur elle et de l'espérance que nous avons en nous et que nous voulons lui communiquer.

La prise en charge d'un handicapé récent, qu'elle se fasse en service de réanimation ou en service de rééducation, repose, non sur une fausse espérance de guérison avec retour à l'état antérieur, mais sur des perspectives d'une autre vie, mais d'une vraie vie.

Je cite ici Alain Yelnik dans "L'Homme Reconstruit. De la Réparation à la Réinsertion": «Une des grandes difficultés pour l'adulte c'est de pouvoir accepter la perte d'une partie de ce qui le faisait être soi-même, sans se perdre soi-même. L'atteinte à l'intégrité physique ébranle violemment l'intégrité du moi... or, cette capacité de laisser derrière soi une partie de soi-même est un atout essentiel pour se reconstruire. Accepter son nouvel état, non pas passivement mais activement, est la base indispensable d'un nouveau projet de vie», et ce même auteur dit plus loin: «Donner à la médecine les moyens de ramener ou de maintenir à la vie des hommes dans des conditions d'infirmité sévère, serait, à mon sens, condamnable, si on ne donnait à ces personnes tous les moyens possibles pour que leur vie ressemble à une vie».

- Les constats d'agression sexuelle
Les expertises médico-judiciaires pour suspicion d'agression sexuelle et en particulier de viol sont le moment d'une relation très particulière avec le corps d'autrui et, tout spécialement chez l'enfant. Il est presque inutile de dire combien cette relation doit être basée sur le respect de la pudeur et la délicatesse psychologique. Il est important de redonner à l'enfant (ou à l'adulte) le sentiment que son corps lui appartient, qu'il est sain, qu'il peut avoir des relations saines et que lui -même n'est pas coupable.

- Et qu'en est-il du corps dont l'esprit s'est effacé ?
Je ne parle pas ici d'un être dans un coma transitoire qui a besoin de soins corrects pour reprendre conscience et guérir, mais de situations particulières où l'effacement de l'esprit est définitif:
- L'état végétatif persistant
- La maladie d'Alzheimer

L'état végétatif persistant survient, par exemple, après un arrêt cardiaque récupéré mais responsable d'une anoxie cérébrale importante . La souffrance du cerveau a été telle qu'il n'y a plus aucun signe de communication et que seules persistent les fonctions végétatives permettant la poursuite de la vie: alternance entre veille (yeux ouverts) et sommeil (yeux fermés), mouvements oculaires, respiration, possibilité de digestion, sinon de déglutition. Cet état donne aux proches l'illusion qu'il va y avoir un réveil du patient lorsqu'ils comprennent qu'il n'y en aura pas ils font souvent un deuil anticipé et finissent par culpabiliser de souhaiter la mort d'un être qui leur est cher.

La personne atteinte de maladie d'Alzheimer s'écarte de plus en plus de sa "vie habituelle". Je cite Bruno Cadoré dans "Le Corps Chemin de Dieu" (sous la direction de Adolphe Gesché et Paul Scolas): «le corps faisant des gestes, habituels mais paraissant pourtant échapper à l'intention, ou assoupi, comme écrasé par la maladie, incapable même, parfois de simples réflexes de posture . Il n'y a que peu de signes d'adhésion à la vie, sinon parfois un bref sourire de reconnaissance, vite enfoui à nouveau dans la déferlante des brumes de l'esprit. Ici encore, espoir de l'entourage de pouvoir trouver la voie qui percera ce nuage d'opacité, de rejoindre celui qu'on connaît bien, là-bas, derrière la manifestation de cette 'présence-absence', derrière le regard perdu pourtant mystérieusement porteur d'une étincelle fugitive.».

Dans ces deux exemples, l'on se doit de respecter la dignité de ce corps humain sans communication, mais vivant, par des soins de confort (hydratation, alimentation, soins cutanés... etc). Je cite à nouveau Bruno Cadoré: «Quand l'esprit du sujet s'efface, c'est en quelque sorte la dense présence charnelle qui constitue un appel irrécusable à attester de notre commune dignité, et par là même à en répondre, au nom précisément de l'apparente humiliation de cette dignité».

Mais, il ne faudrait pas méconnaître l'immense souffrance des proches de ces malades qui restent des mois, voire des années, dans cet état d'"abonnés absents" (j'assume cette formule!) Certains médecins, dans les pays anglo-saxons, voire en France, préconisent, pour les états végétatifs persistants, l'arrêt de l'alimentation et de la boisson, ce qui, pour moi, est une forme d'euthanasie et a été récusé récemment par Jean-Paul II.

- Ceci me conduit à parler de la mort et les décisions d'arrêt des thérapeutiques
Il est des cas où on peut espérer, jusqu'au bout, que les traitements visant à traiter la cause de la maladie soient actifs, et où la mort survient malgré tout, du fait d'une complication, par exemple.

Mais il est aussi des cas où il devient certain que ces traitements n'éviteront pas la mort, même si l'on s'aide, en service de réanimation, d'appareils pour pallier à l'insuffisance de fonctionnement d'un ou de plusieurs organes (exemples: pour l'insuffisance rénale un hémodialyseur; pour l'insuffisance respiratoire un respirateur artificiel).

Il faut alors consentir la mort en évitant ce que le Code de Déontologie désigne par "obstination déraisonnable" (acharnement thérapeutique).

Qu'est la mort consentie? C'est le renoncement, par les soignants et, si possible par le malade, en fonction de son état de conscience, à la poursuite de ces thérapeutiques dites actives (traitement de la cause et des défaillances d'organes). Il s'agit de l'acceptation, dans la lucidité, de la mort inéluctable, dans une démarche de vérité.

Qu'est l'obstination déraisonnable? C'est l'attitude qui consiste à utiliser tous les moyens médicaux pour garder une personne en vie, sans réel espoir de l'améliorer et, avec comme seule possibilité, celle de retarder un peu sa mort au prix de souffrances pour elle et ses proches. L'obstination déraisonnable est donc rejetée par le Code de Déontologie Médicale: «en toutes circonstances le médecin doit... éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou les thérapeutiques». La loi relative aux droits des malades et à la fin de la vie, adoptée par le Sénat le 13 avril 05, stipule, de même, dans son article 1, que «ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris».

Cet arrêt de certaines thérapeutiques n'implique pas un arrêt des soins et tous les soins de confort doivent être poursuivis. On sauvegarde la dignité du mourant en dispensant des soins palliatifs, soit en service Spécialisés, soit à domicile, soit dans le service où se trouve la patient comme c'est la cas en réanimation.

Insistons encore sur la nécessité d'une décision prise avec une grande compétence médicale, d'une réflexion menée dans la collégialité (médicaux et paramédicaux), en tenant compte des renseignements donnés par les proches et de ce qu'ils ressentent. Il faut pour cela du discernement et du temps.

Il ne faut par confondre le consentement à la mort avec l'euthanasie dont la définition donnée par Patrick Verspieren est la suivante: «consiste dans le fait de donner sciemment et volontairement la mort; est euthanasique , le geste ou l'omission qui provoque délibérément la mort du patient, dans le but de mettre fin à ses souffrances».

L'avortement est aussi une euthanasie car c'est la mort voulue de l'enfant à venir. Mais si c'est ce que je pense profondément, j'ai vu aussi avant la Loi Veil des femmes mourir de septicémie à perfringens ou à staphylocoque, après des avortements clandestins. Il est des cas où la détresse de la femme est telle qu'il faut choisir le moindre mal et la compassion peut amener le choix de l'avortement; entre deux mauvaises solutions...

La pratique médicale et le corps après la mort
J'insisterai sur deux points:
- les autopsies
- les prélèvements d'organes et la mort cérébrale

- Les autopsies
Lors des autopsies on se trouve face au corps dont la vie est partie mais qui n'est cependant pas un objet comme d'autres, et qui demande toujours du respect.

Les autopsies ont un rôle pédagogique pour l'apprentissage de l'anatomie et des techniques chirurgicales, pour lesquels certains font "don de leur corps à la science". Il est à remarquer d'ailleurs que certaines personnes confondent le don du corps à la science, ce qui veut dire que ce corps ira à la Faculté de Médecine après leur mort, et le don d'organes. A côté de ce rôle pédagogique, les autopsies se justifient, soit par une démarche médico-légale en cas de mort suspecte, soit par une démarche scientifique, en particulier pour rechercher la cause d'un décès. A l'heure actuelle, elles ne se pratiquent qu'en prévenant les familles et en cherchant si le patient y était opposé (Loi de Bioéthique d'août 2004). Avant l'ère de l'imagerie médicale, les autopsies ont permis de décrire l'anatomie du corps humain, ce qui aurait été impossible sans elles. Elles ont permis la compréhension d'un certain nombres de maladies. Débutées chez les Grecs et les Romains, elles ont surtout été pratiquées à partir du XVème siècle, et si l'imagerie médicale les rend moins fréquemment indispensables, elles restent utiles et ne doivent pas être rejetées.

- Les prélèvements d'organes et la mort cérébrale
Le don d'organes est une démarche délicate car le corps y perd de son intégrité, mais au profit d'autrui. Accepter de donner ses organes, si cela est possible, est un acte de solidarité, d'amour. La récente Loi de Bioéthique (août 2004) a précisé que le prélèvement et la greffe d'organes constituent une priorité nationale et que les règles d'attribution des greffons doivent respecter le principe d'équité. Elle a élargi les possibilités de dons à partir de donneurs vivants; mais les prélèvements post mortem offrent plus de possibilités. Il est précisé dans la Loi qu'une personne peut faire inscrire son refus de tout prélèvement sur un registre national. Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir, auprès des proches, l'opposition éventuellement exprimée de son vivant par le défunt. Je ferai remarquer que cette Loi préconise des attitudes négatives et, qu'à l'inverse, on peut avoir, de façon positive, une carte dans ses papiers affirmant son acceptation de don d'organes.

En aucun cas un organe, quel qu'il soit, ne peut être traité en marchandise et le don est toujours gratuit (pléonasme). Il est aussi anonyme pour éviter toute dépendance de la personne qui a reçu une greffe vis à vis de la famille du donneur.

Les organes sont prélevés sur un sujet en état de "mort cérébrale". Je ne détaillerai pas ici les critères médicaux de la mort cérébrale, dont l'EEG (électroencéphalogramme) plat n'est qu'un des éléments; mais dirai qu'il s'agit d'une destruction complète du cerveau, du fait d'un traumatisme crânien ou d'un arrêt cardiaque récupéré... trop tard. Le reste du corps ne continue à fonctionner que du fait des diverses assistances: respiration artificielle, tonicardiaques... etc. Si on arrête ces assistances tout s'arrête. Pour faire comprendre cela aux proches j'avais pour habitude de parler d'une vaste culture de tissus. Mais la famille voit dans un lit quelqu'un qui ne communique pas mais paraît respirer et dont le moniteur cardiaque montre une activité. Si on touche la peau de ce corps elle est chaude. Comment comprendre que cet individu est mort?

Il y a donc une démarche en trois temps. D'abord expliquer aux proches confortablement installés dans un bureau (et non dans un coin de couloir...) que l'être aimé est mort. Il faut ensuite les emmener auprès du lit pour qu'ils puissent poser des questions et bien comprendre cette mort, malgré les apparences. Comprendre l'incompréhensible? Dans un troisième temps il faut à nouveau, dans le bureau les questionner sur la position du leur par rapport aux dons d'organes et, sauf si il y a traces d'une acceptation ou d'une opposition formelle, cela revient à demander l'acceptation de la famille. Tâche difficile, à faire avec beaucoup de tact, de préférence à deux (infirmière et médecin ).

Je voudrais, pour terminer cette conférence, vous raconter une anecdote vécue: les filles d'une mère en état de mort cérébrale me demandaient ce que l'on pouvait prélever; le dialogue fut le suivant:
- Les cornées?
- Non, les yeux c'est la vue
- Le coeur?
- Non, pas le c?ur, c'est...
- Les reins?
- D'accord... parce que l'on en a deux.

Que pensent les spécialistes du psychisme, de ces réflexions irrationnelles mais bien humaines?

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